En arrivant en Pologne, je retrouve l'heure de France malgré que je sois à près de 1 300 kilomètres plus à l'est. La Pologne peut se caractériser par trois choses : on y mange très bien pour pas cher, on y trouve un catholicisme clairement intégriste très important (j'illustrerai ces propos dans la suite de cette nouvelle) et les routes sont déplorables (sûrement à cause de l'incompétence des ingénieurs, là aussi j'y reviens plus loin). J'aurai pas mal d'ennuis avec la voiture (une partie révélée par l'état des routes), ce qui me fera "visiter" 5 garages Toyota polonais différents : amortisseur qui tape (il était mal fixé, sûrement dès le départ), le pont avant qui vibre, faisant un bruit assez fort dès que j'atteins les 80 km/h (pas de réparation car trop chère), des problèmes électriques qui m'obligeront à demander 2 jours de suite de l'aide à des Polonais pour pouvoir démarrer, des fusibles et lampes qui claquent et enfin des problèmes d'arrivée de gasoil empêchant la voiture d'accélérer. La voiture tiendra-t-elle un tour du monde ?
Je démarre la visite de la Pologne par le nord, partie centrale, avec le château des chevaliers Teutoniques de Malbork. En cours de route, je suis impressionné par le nombre de grues qui passent au-dessus de moi, parfois sous la forme classique du V des oiseaux migrateurs mais parfois aussi de manière complètement désordonnée. Un peu plus tard, je prends un auto-stoppeur, un vieux papy qui ne parle pas anglais ni français à part quelques mots comme Napoléon, Carrefour, Michelin : la France a marqué et marque (double sens ;) encore apparemment la Pologne.
Le château est magnifique.
Construit pratiquement tout en briques, il a été plusieurs fois partiellement détruit mais sa rénovation est remarquable. Sauf la chapelle, qui a été partiellement refaite pour marquer justement la différence et j'aime bien cette idée. L'architecture est riche, le mobilier bien mis en valeur et la visite avec un audiophone en anglais me prendra 3 heures, sans regrets. Dans une des salles du château, j'assisterai même à un concert improvisé d'un groupe qui pousse quelques chants chorals : l'acoustique est très bonne.
A proximité, il y a une petite église. Je vais y jeter un œil malgré un extérieur pas très intéressant, mais je ne le regretterai pas car l'intérieur est assez étoffé. Pendant ma visite, j'entends une messe qui démarre mais je ne vois rien : tout se passe à l'extérieur, retransmis par des hauts parleurs (bonjour les voisins : vous n'êtes pas catholiques ? Tant pis pour vous, vous y aurez quand même droit !). Et je vois plein d'enfants (et quelques mamies) avec de jeunes animaux (chiens, chats, hermines, hamsters, souris...) venus pour les faire baptiser ! Je me pose une question : y a t-il une autre religion dans le monde où on baptise, c'est-à-dire où on "impose une religion", à des animaux ? Je ne crois pas. Mais peut-être est-ce une manière pour l'église catholique d'augmenter le nombre de ses fidèles ?
Je descends ensuite vers Toruń, cité médiévale et ville de naissance de Copernic, classée. La ville est assez belle avec son vieil hôtel de ville, une cathédrale, plusieurs églises pas dénuées d'intérêts, des remparts avec des tours/portes, un château (enfin, les ruines d'un château sauf en ce qui concerne... les toilettes ! Et je ne plaisante pas : comme à Malbork, les toilettes étaient construits à l'extérieur du château pour éviter les odeurs, dans une grande tour reliée par un pont couvert pour ne pas avoir à sortir, et seule cette tour a resisté au temps), de beaux immeubles/maisons/palais d'époque (dont la maison de naissance de Copernic). Mais je n'ai pas la tête à cela, mes problèmes de voiture m'encombrant un peu trop l'esprit. Je suis donc assez déçu mais à tort car mes photos témoigneront contre moi.
Depuis que je suis entré en Pologne, je vois des affiches électorales partout (poteaux, arbres, murs, lampadaires...) avec uniquement une photo, un nom et un numéro, et je m'interroge sur la signification de tout cela. Pendant ma visite de Toruń, je vois un groupe qui distribue des tracts. Je questionne l'une des distributrices, elle parle très mal anglais, mais me montre une autre personne : c'est justement un candidat aux élections. Il parle bien anglais et il m'explique que dans 4 jours ce sont les élections législatives en Pologne. Lui demandant à quoi correspond le numéro, il me parle de plusieurs listes, de plusieurs noms sur chaque liste, de noms différents selon les régions de Pologne, de case(s) à cocher... mais je ne comprends absolument pas comment cela marche. Il me dit alors en rigolant que les élections polonaises, c'est très compliquées. Pour finir sur ce sujet, je remarquerai que dès le lundi après les élections, il n'y aura plus une seule affiche nul part : tout a été nettoyé proprement, chapeau !
Je quitte Toruń pour Varsovie. Seul le centre historique est classé (car complètement détruit lors de la deuxième guerre mondiale, il a été restauré de manière remarquable) mais la ville a d'autres atouts très intéressants et je resterai plusieurs jours pour la visiter sous différentes coutures. Je ferai même une petite escapade nocturne pour voir différents bâtiments illuminés, mais à part le palais de la culture et de la science (énorme tour à l'architecture impressionnante), je suis un peu déçu par les éclairages, un peu trop économe à mon goût.
Varsovie, c'est la ville de Frédéric Chopin et on y trouve musées, peintures murales, statues et tombe. On peut même s'enregistrer sur CD en train de jouer une de ses œuvres, pour les passionnés.
La ville est très vivante, avec beaucoup de jeunes (comme d'ailleurs dans toute la Pologne). Ce qui m'a marqué : beaucoup de transports en commun, notamment des tramways et trolleys, de nombreuses églises (évidemment), belles pour la plupart, et quelques beaux parcs contenant des palais, certains splendides (je recommande en particulier le palais de Wilanów, éblouissant extérieurement comme intérieurement).
Le quartier Praga, sur la rive droite de la Vistule, est aussi assez intéressant (une cathédrale, une église orthodoxe, une basilique et une vieille usine de Vodka transformée en galeries d'arts. Ainsi qu'un zoo, mais je ne l'ai pas visité).
Direction maintenant le sud-est vers Zamość, ville classée car construite au XVIe siècle dans le style Renaissance selon les théories de la ville idéale italienne. Pour y parvenir j'emprunte une voie rapide dont une partie est en travaux et l'autre vient d'être mise en service. Cette seconde partie est déjà en mauvais état : il y a des rails dans la chaussée, un peu comme lorsqu'on roule dans la neige et qu'on y laisse des traces. Sauf que ce n'est évidemment pas normal pour une route, qui plus est qui vient d'être finie. Beaucoup de routes de Pologne sont comme cela et j'ai l'explication avec ce que j'ai pu voir sur la première partie en travaux : la route n'a strictement aucune structure. Une route ce n'est pas juste la partie enrobé (noire) visible : il y a en dessous une certaine épaisseur de pierres et cailloux de différentes tailles pour soutenir principalement le poids des camions et éviter ces rails. Mais en Pologne, il n'y a rien ! L'enrobé était juste posé sur une vingtaine de centimètres de matériaux très fins totalement incapable de supporter le trafic. Dans la zone en travaux, j'avais pu voir également l'ancienne route en cours de démolition avant qu'elle ne soit remplacée. Et cette route était exactement de ce style, ce qui explique pourquoi il y a autant de routes avec des rails en Pologne. Ce qui me désole le plus, c'est que les ingénieurs d'aujourd'hui continuent avec les mêmes méthodes venant probablement de l'époque du communisme mais surtout que nombre de travaux que j'ai pu voir étaient en grande partie financés par l'Europe, donc pas nous : quel gâchis !
La visite de Zamość sera rapide, le centre-ville (la partie classée) étant assez petit. En plus, il y avait de nombreux travaux de rénovations en cours (la cathédrale, une partie des remparts). La place principale, avec son hôtel de ville, ses arcades et quelques immeubles de type arméniens, est très belle. Un des bastions des remparts est en partie un musée et en partie... une zone commerciale avec boutiques de vêtements, de chaussures, d'accessoires d'habillement, etc.
A l'extérieur du centre-ville on trouve la Rotonde, également classée car sorte d'extension des remparts, où furent exécutés de nombreux polonais. Zamość et la région avaient été déclarés zone de repeuplement par l'Allemagne nazie ce qui entraîna l'arrivée de nombreux Allemands en lieu et place de Polonais (110 000 quand même...) exécutés à la Rotonde, déportés à Auschwitz ou ailleurs ou envoyés dans des camps de travail en Allemagne.
Je commence alors un long périple, pas encore terminé à l'heure où j'écris cette nouvelle, pour voir des églises en bois. Plusieurs sites sont classés à l'Unesco, en Pologne, en Slovaquie et en Roumanie.
En Pologne, 6 églises ont été sélectionnées par l'Unesco parmi les près de 300 existantes. Il y a plusieurs styles mais principalement catholique ou gréco-catholique.
A mon arrivée à la 3e église classée, je ne peux entrer car des enfants font "la messe" (chacun dit une phrase que l'on peut entendre de l'extérieur ici aussi par des hauts-parleurs, phrase que je ne comprends évidemment pas d'où mon utilisation des guillemets). J'attends et quand tout le monde sort, la femme qui s'occupe de la visite m'invite à l'intérieur (magnifique) et me donne une énorme carte de la région avec l'intégralité des églises en bois de Pologne. Je m'en inspirerai pour effectuer quelques détours et en rajouter ainsi aux 6 initialement prévues.
Beaucoup sont fermées à clés mais j'arrive à voir quelques intérieurs, l'un parce qu'une femme est en train de restaurer une peinture et elle me laisse pénétrer dans l'église, d'autres parce qu'il y a la messe quand j'arrive et j'en profite dès que celle-ci est terminée.
Depuis que je suis dans ce pays, j'ai pu voir l'impressionnante dévotion des Polonais envers Jean-Paul II (peintures, sculptures, voire autel), mais le summum sera atteint lors de cette tournée lorsque, à la sortie d'une messe, je vois la moitié environ des participants tenir un portrait de JPII devant elle !
Je zigzague dans le sud-est de la Pologne, passant d'églises en bois catholiques à églises en bois gréco-catholiques, tout en me rapprochant tout doucement de Cracovie.
Cracovie dénombre pas moins de 4 biens classés à l'Unesco dans ses environs : la mine de sel de Wieliczka, le centre historique de Cracovie, les camps de concentration et d'extermination de Auschwitz-Birkenau et la ville Kalwaria Zebrzydowska en tant que lieu de pèlerinage. Je les visiterai dans cet ordre.
La mine de sel de Wieliczka est hors de prix (16 euros) : très touristique, cette mine de l'Etat Polonais en profite pour pratiquer des prix de l'Europe de l'Ouest complètement hors de propos par rapport au niveau de vie en Pologne. Je ferai la visite avec un guide en français, me permettant ainsi de voir d'autres français ce qui ne m'était pas arrivé depuis longtemps. Je dis bien "voir", car aucune conversation ne s'engagera... sauf avec des italiens parlant français ;).
La mine est très bien mise en valeur, avec présentation des différentes techniques, des outils mais aussi avec des sculptures en sels dont évidemment (et principalement) des... chapelles. Certains ne visitent que cela d'ailleurs et il est même possible de se "commander" une messe voire de se marier à 130 mètres sous terre. La chapelle principale est magnifique, avec différents autels et retables gravés dans le sel.
Cracovie comme Varsovie n'a pas qu'un centre historique et je visiterai au-delà de la zone classée, mais à regret car sans grand intérêts.
Le centre est par contre très riche en églises et bâtiments divers. Je visiterai également le château (il est possible de voir plusieurs zones distinctes : je recommanderai surtout les appartements d'état, c'est-à-dire pour les invités du roi, bizarrement beaucoup plus beaux et riches que les appartements royaux). Malheureusement, aucune photo n'est autorisée dans les intérieurs. Lors de la visite des appartements royaux (visite accompagnée obligatoire), la guide nous apprend que Cracovie comprend plus de 100 églises mais aussi plus de 400 restaurants. Elle précise : les premières pour les Polonais, les seconds pour les touristes, ce qui fait rire tout le monde.
La visite d'Auschwitz est possible en français, et j'arrive par hasard 5 minutes avant le début de la seule visite programmée chaque jour dans cette langue. Je suis impressionné par le nombre de visiteurs, étrangers mais aussi Polonais, et surtout par le nombre de jeunes.
Le camp était en fait constitué de 3 sites distincts et la visite guidée parcourt les 2 restants. Le premier est en très bon état, le second beaucoup moins mais surprend par sa superficie. Au total, on estime que près de 1 300 000 personnes ont été incarcérées dans ce camp et plus de 1 100 000 exécutées, principalement des juifs et majoritairement dans des chambres à gaz.
Au-delà de ces chiffres, je trouve la visite beaucoup moins stressante que celle faite du camp Natzwiller Struthof en Alsace : il y a bien des salles avec une quantité impressionnante de cheveux, de chaussures, de bagages récupérés sur tous les prisonniers exécutés, on voit des cachots, des baraquements et des salles de gazages, mais ici pas de photos immondes de prisonniers décharnés ou de charniers qui remuent les tripes et qui m'avaient profondément marqué lors de mon adolescence. Je ne sais pas si c'est parce qu'il n'y en avait pas ou si c'est pour éviter tout débordement de visiteurs, même si je pencherai plutôt pour le second cas.
Je finis la secteur de Cracovie avec le lieu de pèlerinage de Kalwaria Zebrzydowska. J'y arrive lors d'une messe et c'est surpeuplé malgré la grande taille de l'église. J'attends dehors et y pénètre après la sortie de tout le monde... ou presque. Il reste quelques fidèles qui font du rab, espérant sûrement ainsi gagné plus certainement une place au paradis. Ces fidèles ne m'apparaissent pas très sympathiques : pour la première fois je sens de l'hostilité à mon égard pendant que je prends des photos et cela m'étonne car je fais bien attention de ne viser personne pour justement ne pas les froisser. Je comprendrai le pourquoi du comment le lendemain...
Pendant ce petit tour autour de Cracovie, je continuerai à voir quelques églises en bois. Puis je descends vers le sud pour voir la dernière des 6 classées à l'Unesco à Dębno, très belle (mais photos interdites à l'intérieur) et quelques autres autour, magnifiques également.
Avant de quitter définitivement la Pologne et de passer en Slovaquie, je m'arrête pour manger à Nowy Targ et sur le chemin du retour à ma voiture je pénètre dans une église en partie en bois (le toit uniquement). L'intérieur est très beau et lorsque je quitte l'église, je fais un signe de tête approbateur à un des fidèles, un vieux papy qui n'a pas arrêté de me regarder pendant ma visite. A l'extérieur de l'église, j'entends une voix derrière moi : le petit vieux m'a suivi et il me parle en polonais. J'essaie de l'interrompre en anglais pour lui dire que je ne le comprends pas mais il poursuit. Tout à coup j'entends un mot qui fait tilt (culture), puis un peu plus tard je le vois faire une génuflexion. Et là, je me rappelle les regards de la veille et la signification de ses propos s'éclaircit : il est tout simplement en train de m'engueuler (mais très calmement), approuvant apparemment que je me "cultive", mais désapprouvant que je ne fasse pas de signes religieux devant les autels et autres retables de son église ! J'ai déjà visité de nombreux lieux de cultes dans le monde (églises catholiques, protestantes, orthodoxes, mosquées, temples bouddhistes) et c'est la première fois que je rencontre un "fidèle" qui reproche ouvertement à un "non-fidèle" sa liberté de penser. Cette anecdote est le dernier élément concernant mes propos précédents : entre les hauts-parleurs qui diffusent à l'extérieur de certaines églises, les baptêmes des animaux et les signes religieux "obligatoires", on trouve en Pologne un intégrisme catholique très important, vu nul part ailleurs.
Dernier village (Chocholów) avant de quitter la Pologne : je suis obligé de m'y arrêter car je suis interloqué par la beauté des maisons, toutes en bois. Je me rends alors compte que le village est marqué sur ma carte des églises en bois de Pologne, mais avec un marquage différent que je n'avais pas vu car ici il n'y pas d'église en bois.
Prochaine nouvelle : la Slovaquie et une partie de la Hongrie.