Cette fois-ci, c'est un grand tour des Amériques qui est prévu. Quand je quitte mon domicile, je n'ai pas encore reçu le devis pour la traversée de ma voiture depuis le Havre jusqu'au Canada dans un conteneur, mon contact ayant des doutes quant à la taille nécessaire pour que je puisse rentrer dedans. Finalement il m'enverra quelques jours plus tard deux devis, l'un pour le plus petit conteneur existant (de type 20'ST), l'autre pour le modèle supérieur (40'ST).
Plutôt que d'aller directement au Havre, j'ai décidé de passer par quelques sites classés à l'Unesco dans le centre de la France.
Je commencerai par le Puy-en-Velay, classé car point de départ de l'un des quatre principaux itinéraires français vers St-Jacques-de-Compostelle, celui le plus fréquenté sûrement parce que traversant de très beaux paysages. C'est aussi le plus ancien car l'un des premiers pèlerins attestés, l'évêque du Puy, partit de là en 951. La seconde route part de Paris depuis la tour St-Jacques que j'ai vue il y a plus de 15 ans quand j'habitais la capitale, la troisième de Vézelay depuis la basilique Ste-Madeleine vue il y a un an (cf. la nouvelle du 26/7/2013) et la dernière d'Arles depuis son église St Honorat que je n'ai pas vue car lorsque j'ai visité cette ville je ne savais pas qu'elle était aussi classée à l'Unesco comme étape du chemin vers St-Jacques-de-Compostelle : problème des biens qui sont sur de nombreux sites et un territoire très étendu pas toujours faciles à repérer.
Je prends donc la route le 2 juin à 14h40 (avec 2 jours de retard liés à des sauvegardes des données de mon ordinateur beaucoup plus longues que prévues, un disque dur s'étant montré défaillant) et après de nombreux arrêts pour faire différentes courses, j'arrive près du Puy le soir même.
Deux monuments de la ville sont classés, la cathédrale et l'hôtel-Dieu. Je ne peux voir ce dernier (jour de fermeture hebdomadaire) mais la première est accessible. Elle est étonnante car l'accès principal se fait par en dessous avec une arrivée en plein cœur de la nef : la cathédrale est construite au sommet d'une colline et on y accède par des escaliers qui démarrent bien en amont de la façade principale, y pénètrent par un porche situé sous la nef et débouchent au milieu du monument.
La cathédrale est très belle du point de vue architectural : datée du XIIème siècle, elle fut cependant démolie (et reconstruite quasiment à l'identique) au XIXème siècle car elle menaçait ruine. Sa caractéristique principale est la polychromie de ses pierres volcaniques. Quelques peintures (murales et tableaux), de beaux chapiteaux parfois colorés, une statue de la vierge noire et une autre de St-Jacques agrémentent l'intérieur.
Il y a quelques pèlerins qui la visitent, sac au dos : beaucoup n'iront pas jusqu'en Espagne mais feront tout ou partie de l'itinéraire en plusieurs fois sur plusieurs années.
Je suis en voiture plus ou moins l'itinéraire des pèlerins et peux constater que la route a parfois été taillée dans des falaises d'orgues volcaniques. La campagne ressemble aux abords de l'Etna avec énormément de genêts en fleurs. Je m'arrête vers 15 heures dans le village de Monistrol-d'Allier et la tenancière d'un restaurant où je mange me renseigne sur une petite balade dans des gorges (quelques belles orgues basaltiques) puis me conseille de remonter jusqu'au village de Prades pour y voir une formation volcanique très originale.
Manque de chance, il y a des travaux sur la route et une pierre de 3 cm de long très pointue entre dans un de mes pneus arrières. Je ne m'en rends compte que quelques kilomètres plus loin par hasard (en ouvrant la fenêtre passager pour prendre une photo), heureusement le pneu n'est pas encore abîmé. J'extrais la pierre, qui laisse un gros trou et met le pneu à plat en quelques secondes. J'ai peur de ne pouvoir réparer avec une mèche mais finalement cela semble suffire. Quelques jours plus tard, après un contrôle avec de l'eau, je me rendrai compte cependant que le trou n'était pas parfaitement colmaté et rajouterai une seconde mèche à côté de la première, ce qui achèvera cette fois-ci complètement la réparation.
A Prades, il y a effectivement la roche Servière, une masse volcanique de près de 90 mètres de hauteur avec à sa base de très belles orgues bien découpées. Le site, au bord de l'Allier, est très beau et valait le détour malgré ma crevaison.
Je reprends mon itinéraire et retrouve des randonneurs marchant sur le bas côté (et souvent du mauvais côté de la route). Aujourd'hui il fait très froid (9°C la nuit, 13° pendant la journée), il fait gris, la pluie commence à tomber, j'aurai même du brouillard. Les paysages sont toujours aussi magnifiques, avec encore de nombreux genêts jaunes.
Petit arrêt rapide à Rimeize pour prendre en photo la très belle église du XIVème siècle, puis j'enchaîne avec celle de Nasbinals, le monastère hôpital d'Aubrac, le pont des pèlerins à Saint-Chély-d'Aubrac, le joli village de Saint-Côme-d'Olt (un couvent, deux églises et de belles maisons) et le village d'Estaing avec son château, son église et son pont.
J'arrive finalement à Conques, magnifique village très authentique (dans le sens très peu de marchands de souvenirs) dans une belle vallée verdoyante, avec beaucoup de maisons à colombage, un pont et surtout une splendide église (abbatiale romane de Sainte Foy du XIème siècle).
On retiendra en particulier son magnifique tympan du XIIème siècle représentant le Jugement dernier avec 124 personnages ainsi qu'une relative étroitesse de la nef accentuant le sentiment de hauteur.
Je poursuis mon périple sur le chemin de St-Jacques-de-Compostelle mais sans rien voir de sensationnel : à Figeac, il y avait un ancien hôpital datant du XIIème siècle servant aux pèlerins mais un hôpital moderne a été construit sur son emplacement au XVIIIème (ce qui n'a pas empêché l'Unesco de le classer alors qu'il ne reste rien de l'ancien). A Gréalou, une croix et un dolmen bordent le chemin mais c'est sans intérêts.
Je poursuis jusqu'à Cahors pour y voir la cathédrale St-Etienne et le pont Valentré : la première possède 2 dômes en guise de toiture mais sans attraits particuliers. On retiendra quand même un cloître, des vitraux et quelques peintures murales un peu plus intéressants.
Le second est un pont fortifié du XIVème siècle en très bon état et très beau.
J'ai atteint le point le plus au sud de mon trajet jusqu'au Havre et je vais remonter maintenant jusqu'en Dordogne. En passant, je m'arrête à Rocamadour, lieu symbolique pour beaucoup de pèlerins, mais je suis très déçu : outre que les marchands de souvenirs pullulent, les lieux de pèlerinages sonnent faux et je comprendrai mieux pourquoi après. L'histoire du site démarre au XIIème siècle mais il fut abandonné au XIVème, fut souvent pillé et il s'est retrouvé en ruine pendant plusieurs siècles. Des travaux tentèrent de le restaurer au XIXème siècle mais sans aucun contrôle des autorités des monuments historiques afin de protester contre l'absence de financement de l'Etat. La seule chose que je retiendrai, c'est un très bel orgue, posé entre un pilier et un mur sur une coque de navire accrochée 2 mètres au dessus du sol.
J'arrive dans la vallée de la Dordogne, classée à l'Unesco car regroupant beaucoup de sites préhistoriques (grottes et abris). Je commence par la grotte la plus au sud, celle du sorcier près de Saint-Cirq : elle est très petite mais contient plusieurs gravures datées d'environ 17 000 ans (chevaux, bouquetins, bisons) et surtout une représentation humaine appelée le sorcier. On ne peut pas prendre de photos dans la grotte mais il y a un musée où une copie a été faite.
Le musée contient aussi des silex taillés et quelques fossiles (ammonites notamment). Il y a également quelques grottes troglodytes juste à côté.
J'enchaîne ensuite avec la grotte de Rouffignac (ou grotte de Cro de Granville), magnifique. Elle est très vaste et longue (sorte de long tuyau d'une dizaine de mètres de large sur 3 à 5 mètres de hauteur pour un total de 8 km de long en diverses ramifications et sur plusieurs plans) : les dessins principaux (et quelques gravures) ont été réalisés sur les parois et le plafond à environ 800 mètres de l'entrée et on y accède par un petit train. Il y fait très froid malgré ma polaire. Le guide est excellent, il donne énormément de détails sans oublier les caractéristiques essentielles. Dans les parois, il y a de très nombreux nodules de silex. Avant d'atteindre les représentations, on traverse une zone avec de nombreuses traces de griffures d'ours sur les parois puis une autre très argileuse, creusée pour que le train puisse passer en hauteur, dans laquelle des ours ont régulièrement hiberné en laissant de très nombreux creux dans l'argile d'environ 1,5 à 2 mètres de diamètre sur 30 à 4 cm de profondeur : vraiment impressionnant.
On arrive alors aux premières gravures puis un peu plus loin aux premiers dessins et je suis étonné par leur grandeur (entre 1 et 1,5 mètre de diamètre). Il y a en particulier de très nombreux mammouths (la grotte s'appelle d'ailleurs aussi la grotte aux 100 mammouths même si en fait 158 représentations de cette espèce y ont été découvertes). A noter également quelques rhinocéros laineux, des chevaux et des bouquetins.
Les dessins et gravures sont d'une précision remarquable, ils s'appuient parfois sur les courbes naturelles de la roche pour mieux accentuer les formes des animaux. Des représentations humaines existent aussi mais elles ne sont pas accessibles au public. Seul point négatif, les photos ne sont pas autorisées alors je vous ai mis une photo d'une photo à l'entrée.
Je finis ma journée avec la grotte du Grand Roc qui ne contient aucune trace humaine (on pourrait s'interroger d'ailleurs sur les raisons de son classement) mais qui a de très belles concrétions notamment excentriques, fistuleuses ou de formes étranges (triangles : c'est la première fois que j'en vois).
Le lendemain, je me lève assez tôt car 2 grottes qui m'intéressent sont contingentées afin de les protéger : la grotte de Font-de-Gaume (environ 80 places par jour) et celle des Combarelles (35 places). J'arrive donc vers 8 heures, une heure et demie avant l'ouverture (la caisse est commune pour les 2 grottes) : je ne suis pas le premier mais j'obtiendrai mes 2 billets sans problèmes. Là encore aucune photo n'est autorisée et je vous ai mis des photos de photos exposées au musée national de la préhistoire.
La première est la seule grotte de France qui contient des peintures polychromes originales visibles par le public (les autres sont soient fermées, soient accessibles uniquement via des copies de la grotte d'origine) : elle contient notamment des peintures extrêmement réalistes de bisons d'environ 1 m². Il y a également des mammouths et des rennes, parfois mélangeant peintures et gravures. D'autres peintures (rhinocéros, loup, renne, chevaux) ne sont pas accessibles car en très mauvais état ou situées dans un endroit très étroit. Mais une visite virtuelle de la grotte, très bien faite, est possible sur ce site.
Celle des Combarelles contient des gravures, assez petites et dans un couloir assez étroit d'où des visites en très petit nombre. On y trouve des chevaux, des rennes dont l'un donne l'impression de boire dans une cavité d'où pouvait couler une source, et surtout une magnifique lionne.
Après cela, je vais voir l'abri de Laugerie Basse (sans intérêts) puis celui du Cap Blanc qui contient de très grandes sculptures (hauts reliefs) de chevaux atteignant parfois plus de 2 mètres de longueur.
Pour ma dernière journée en Dordogne, je commence par la visite de l'abri de Cro Magnon (site où fut découvert en 1868 la première sépulture de cet homme) avec un musée très intéressant qui vient d'ouvrir, puis je m'attarde au musée national de la préhistoire contenant surtout énormément de silex, un peu trop à mon goût. Je passe alors sur le site de la Madeleine, abri rocheux qui fut habité de la préhistoire jusqu'au Moyen-âge (peu intéressant à voir, même si le site est exceptionnel préhistoriquement parlant puisque qu'il donna son nom au magdalénien, période allant de -15 000 à -10 000 ans).
Je retourne enfin (j'y suis allé quand j'étais enfant mais je n'en ai aucun souvenir) à la grotte de Lascaux II où je peux contempler les répliques des magnifiques taureaux, chevaux, bouquetins et cerfs qui ornent la grotte originale.
D'autres sites sont classés à l'Unesco mais certains sont fermés au public et les derniers accessibles uniquement certains jours et je ne souhaitais pas attendre.
Je remonte alors pour aller visiter la très belle (surtout extérieurement) cathédrale Saint-Front de Périgueux, classée car sur l'itinéraire de St-Jacques-de-Compostelle partant de Vézelay.
J'ai fini de voir les sites qui m'intéressaient le plus et je file alors directement sur le Havre. Dès mon arrivée, je me rends à la compagnie maritime française CMA-CGM et remplis tous les papiers nécessaires à la traversée de ma voiture. La personne qui s'en occupe pense qu'il est encore possible de l'embarquer sur le prochain bateau mais il s'avèrera qu'aucun conteneur n'est disponible pour le moment (je prends celui de petite taille mais ils sont très minoritaires d'où cette indisponibilité temporaire). Le vendredi 13/6 au soir, je reçois un mail avec un numéro de conteneur, ce sera le mien. Je dois attendre jusqu'au lundi 16/6 pour réaliser l'opération : direction alors la zone industrielle du port (située à presque 15 km du centre-ville) jusqu'à un gros hangar.
Tout se passe bien, on m'y attendait : un employé va chercher le conteneur, le positionne devant une porte coulissante du hangar puis je monte la voiture dans le local par une rampe et l'arrête de l'autre côté de la porte. Je dégonfle légèrement les 2 pneus arrières pour abaisser la hauteur et permettre le passage de ma malle sans la démonter. Ma voiture n'est maintenant plus sous ma responsabilité et un autre employé prend mes clés pour les dernières manœuvres. Cela passe sans problème, j'ai même dégonflé un peu trop (marge de 4 cm).
C'est l'heure de manger alors tout le monde s'arrête, je sors des denrées non périssables de ma voiture que je réchauffe dans la cantine de l'entrepot. Après cela la voiture est solidement arrimée par un dernier employé via des cales clouées directement au plancher du conteneur autour de chacune de mes roues et via des tendeurs à cliquet tendus aux 4 coins. Finalement, les portes sont refermées et un sceau y est apposé qui garantit son inviolabilité et ne peut être enlevé que par des douaniers.
Je regagne le Havre d'abord en stop puis à pied et prends le premier train pour Paris où je vais loger chez une de mes tantes avant de partir rejoindre ma voiture au Canada.
La voiture a quitté le Havre le lundi 23/6, elle est actuellement (au 26/6) à Anvers où elle va changer de navire avant la grande traversée : vous pouvez suivre le conteneur en direct sur le site de la compagnie.