Depuis mon précédent bivouac proche de Bogota, je pars maintenant plein ouest en direction de Manizales afin de commencer un circuit au cœur des caféiers (voir nouvelle précédente). La route continue son yo-yo, c'est même de pire en pire : parti de 2600 mètres, je descends à 700, remonte à 1800, redescends dans une vallée à moins de 250 mètres pour remonter cette fois-ci à un col à plus de 3700 avant d'arriver à ma destination finale à un peu plus de 2000 mètres (voir l'itinéraire du 16 mai).
Une grande partie de l'itinéraire est sur une crête dominant de part et d'autre des vallées assez encaissées. Je passe hélas le col sous la pluie et traverse quelques nappes de brouillard.
Sur le site de l'Unesco on trouve une carte des zones classées de caféiers. Je ne vais pas toutes les faire, j'ai juste prévu un circuit descendant vers le sud qui en traversera plusieurs. Avant d'atteindre Manizales, je peux déjà voir quelque champs dans des secteurs non classés : le café étant une des principales production de la Colombie (20% de son agriculture, 3ème exportateur mondial) on en trouve en effet à beaucoup d'endroits.
Je reste quelques jours à Manizales pour travailler sur mon site puis vais voir sa cathédrale Notre-Dame-du-Rosaire assez intéressante avant de monter dormir à l'entrée du parc national Los Nevados. Ce dernier contient le volcan Nevado del Ruiz (un peu plus de 5300 m) en activité : d'ailleurs les 22 et 23 mai, jours où je serai juste à côté, il est particulièrement actif (émissions de cendres qui ont conduit notamment à la fermeture de l'aéroport, voir par exemple ce site).
Les autorités surveillent de près ce volcan qui laissa une trace dans l'Histoire : le 13 novembre 1985, après deux mois d'éruptions, l'intensité redouble, la neige et la glace qui le recouvrent fondent et se transforment en coulées de boue et de cendres qui dévalent plusieurs vallées du volcan. Au bout de l'une d'elles se situe la ville d'Armero qui se retrouve dévastée en pleine nuit, près de 25 000 personnes y trouveront la mort. Le pays a été fortement critiqué pour n'avoir pas anticipé cette catastrophe. Depuis cet événement il a mis en place un système de surveillance et d'alerte de ses volcans qui conduit régulièrement à des évacuations de la population. L'activité de ces derniers jours n'est pour l'instant pas très importante : lorsque j'arrive à l'entrée du parc je croise des gardes qui ne me disent rien sur celle-ci.
Le sommet est dans les nuages alors je décide de patienter jusqu'au lendemain à l'extérieur (l'entrée étant payante). A cette occasion je bats mon précédent record d'altitude pour mes bivouacs avec une nuit passée à 4052 mètres. A mon réveil le ciel est bien dégagé mais pas totalement sur le volcan. Je prends une piste qui longe la parc national avant de vouloir y entrer. Mais je me retrouve dans le brouillard alors je décide de redescendre. Au cours du trajet je croise une belette et un motmot.
Je tente un second accès plus au sud, très isolé et très difficile à trouver, je demande plusieurs fois mon chemin. J'arrive finalement de nuit. Pas de chance, au matin le temps est toujours le même, je ne vois pratiquement rien à cause des nuages. Je patiente un peu en observant plusieurs oiseaux mais cela ne s'améliore pas. De plus, outre que cet accès est lui aussi payant, le garde m'indique qu'on ne peut pas y pénétrer seul et que je suis obligé de prendre un guide dans mon véhicule pour circuler dans le parc. Je décide donc de faire demi-tour, décidément les parcs de Colombie ne sont pas faciles à voir.
Après être repassé sur Manizales, je commence mon périple au sein des caféiers.
Deux choses m'étonnent : les terrains sont parfois particulièrement escarpés. Et les caféiers ne sont pas toujours faciles à voir car très fréquemment mélangés à des bananiers, l'explication étant qu'à l'origine c'était des arbustes de sous-bois et que selon les types de terrain et l'exposition au soleil cet ombrage reste nécessaire.
Au milieu des zones de cultures on trouve aussi régulièrement des bambous qui sont utilisés dans la construction (pour des maisons ou des clôtures par exemple).
J'ai de la chance, je tombe sur des fruits de caféiers à différentes étapes de maturité, très jeune (vert), un peu plus mature (jaune) ou proche du ramassage (marron ou rouge selon le type robusta ou arabica). Vous trouverez des informations très intéressantes concernant le café sur ce site. Pendant mon parcours je croise de nombreuses fleurs (mais hélas pas de fleurs de caféiers), quelques papillons mais aussi beaucoup d'oiseaux.
Après avoir quitté la dernière zone de caféiers classée à l'Unesco, je poursuis vers le sud jusqu'à proximité de Cali. Ma prochaine destination est le parc archéologique de Tierradentro situé dans un coin assez isolé : comme je l'ai déjà signalé, ma carte GPS est assez mauvaise, je n'ai que les grands axes et je ne sais comment y aller. J'ai donc prévu de m'arrêter pour chercher mon chemin sur Internet. Mais avant d'avoir complètement terminé, un énorme orage éclate sur le centre commercial où je m'étais installé et cela coupe les connexions Internet. J'ai quand même vu que plusieurs itinéraires étaient possibles dont un traversant une zone de montagne, le parc national Nevado del Huila, sûrement le plus long mais probablement le plus intéressant.
Après une nuit dans la vallée, je suis réveillé au matin par des bruits sur ma voiture. Des oiseaux profitent de la rosée accumulée, un s'est d'ailleurs posé sur mon essuie-glace pour se désaltérer mais il s'envole quand j'écarte les rideaux avant je puisse prendre une photo. Je poursuis encore un peu ma route dans la vallée jusqu'à un village repéré comme l'embranchement pour atteindre le parc national. J'y demande mon chemin plusieurs fois ce qui déclenche de grande discussion que je ne comprends pas. Finalement je trouve la bonne route, une piste en fait, et commence mon ascension. En traversant un petit village des gens me font des signes, je les salue moi-aussi. Un peu plus tard, une moto me dépasse et se met en travers de ma route. Ils descendent, s'approchent et me disent que je ne peux pas continuer. Ils m'obligent à faire demi-tour jusqu'au village où j'avais vu les gens me faire des signes, ce n'était apparemment pas de simples salutations, et ils me disent de m'arrêter là. Il y a 5 ou 6 personnes, certaines commencent à fouiller la voiture, d'autres me posent des questions mais ne parlent qu'espagnol. Je leur fais comprendre que je ne fais que du tourisme, que je vais à Tierradentro via le parc national. L'un d'eux prend mon appareil photo pour voir les photos que j'ai prise puis un dernier passe un appel téléphonique qui dure assez longtemps tandis que tous les autres arrêtent leur activité respective. Une fois la conversation téléphonique terminée ils me disent que c'est bon, je peux continuer. Après réflexion je me dis que je dois être dans une région contrôlée par des révolutionnaires, qu'après avoir vu que je n'étais qu'un touriste français j'étais sans danger pour eux et ils m'ont donc laissé passer. Je pense aussi que tous les gens que j'ai croisé auparavant à qui j'avais demandé mon chemin essayaient de me faire comprendre que la route était interdite aux étrangers mais je n'ai pas compris et j'ai pu passer. A aucun moment je ne me suis senti en danger, tous ceux que j'ai vu ont toujours été très souriants et cordiaux, au pire j'aurai fait demi-tour pour prendre un autre accès s'ils m'avaient interdit le passage.
Un peu plus tard je croise une belle mygale qui traverse la route. Au village suivant il y a un monde fou, c'est jour de marché. J'avance lentement puis reprends une vitesse plus normale. J'arrive à un autre village et m'arrête pour manger et demander mon chemin car je suis étonné de ne pas être encore dans le parc national. Je comprends alors que je me suis trompé de piste, la route tournait vers l'est au milieu du marché et j'ai poursuivi vers le sud sur une route secondaire. Les gens me font comprendre que si je continue j'arriverai aussi par là à Tierradentro, la piste que je viens de faire était longue, je n'ai pas trop envie de rebrousser chemin d'autant que le temps est médiocre, les sommets du parc national que je crois voir au loin sont dans les nuages. Je décide donc de poursuivre.
Après un col à plus de 3000 mètres je passe devant une fabrique de briques, le four est allumé, je m'arrête et les propriétaires me font de grands sourires et acceptent que je fasse des photos. J'arrive finalement dans la vallée d'accès au parc archéologique et cela roule enfin car j'ai retouvé du goudron. La route que j'ai suivie était longue, lente et peu intéressante, c'était clairement le plus mauvais itinéraire sur les 3 possibles et je suis assez déçu de m'être trompé et d'avoir dû négocier mon passage pour pas grand chose.
La bonne route ne dure cependant pas longtemps, des travaux sont en cours pour l'élargir mais avec les pluies les talus ont du mal à tenir et je passe en croisant les doigts car il y a eu des éboulements. Je bivouaque sur une surlargeur à un endroit sans risque. Le lendemain, pendant que je petit-déjeune, j'entends du bruit dans les feuillages et un chien sort près de ma voiture. En me voyant il prend peur et retourne dans les herbes. Je m'approche et me demande comment il a fait pour arriver là car il y a une pente impressionnante à l'endroit où il est sorti et retourné.
Je reprends la route qui devient vite catastrophique, les petits éboulements du début sont à certains endroits d'énormes glissements de terrain, il y a parfois plus de 10 cm de boue, cela va coûter cher en réparation.
Le site archéologique Tierradentro se caractérise par plusieurs zones de tombes décorées de gravures et/ou peintures de formes géométriques ou anthropomorphiques. Les tombes, datées du VIème au IXème siècle, sont creusées dans le sol, des roches volcaniques assez tendres mais qui ont dû nécessiter un gros travail pour être réalisées. Un escalier rudimentaire, parfois en ligne droite parfois en spirale ou en zigzag avec souvent de hautes et étroites marches permet d'atteindre leur entrée. On ne peut pas accéder à l'intérieur même, l'entrée étant fermée d'un garde-corps. Les tombes sont de forme plus ou moins circulaires avec souvent des piliers et des niches murales ou dans le sol. Les gravures se retrouvent plutôt sur les colonnes, les peintures sur les murs, plafonds, colonnes voire sur les gravures. Les plafonds sont souvent très difficiles à voir depuis l'entrée. Quelques tombes sont éclairées via un minuteur pour les protéger mais la plupart n'ont aucun éclairage et je tente de voir les décorations avec ma lampe frontale ce qui n'est pas toujours évident. Certaines tombes contenaient des urnes parfois décorées contenant pour certaines des ossements. Beaucoup de tombes sont fermées officiellement pour des raisons de préservation mais lorsqu'elles ont été découvertes elles étaient en mauvais état, souvent remplies d'eau et de boue, endommagées par des tremblements de terre fréquents dans la région et/ou ayant été pillées.
La première zone regroupe un peu plus de 60 tombes dont 25 accessibles (en fait fermées par une porte mais un garde est là pour les ouvrir), la seconde également avec un garde contient 5 tombes toutes ouvertes au public, la troisième 23 dont 6 accessibles.
Une 4ème zone se trouve sur la crête d'une montagne, les tombes y sont nombreuses (je ne sais pas le nombre), d'accès libre mais elles sont globalement en très mauvais état malgré les toitures installées pour en protéger certaines de la pluie.
Des statues anthropomorphiques furent également découvertes, exceptionnellement à l'intérieur d'une tombe mais la plupart à l'air libre en un lieu où elles sont toujours exposées. Il y a aussi deux musées, l'un archéologique l'autre contenant des reconstitutions des coutumes locales. Je visite l'ensemble sur 2 jours, le billet d'entrée étant valable pour cette durée. Je repartirai assez impressionné par la quantité et la qualité de certaines décorations.
Pendant cette période, j'observe encore des fleurs variées et de nombreux oiseaux mais aussi beaucoup d'insectes notamment installés dans les tombes de la quatrième zone. J'arrive enfin à prendre en photo un papillon aux ailes bleues métalliques, depuis le Mexique j'en ai vus beaucoup mais qui ne se posaient jamais ce qui ne fut pas le cas de celui vu ici.
Je repars plus au sud pour rejoindre un autre parc archéologique, celui de San Agustín. Deux longues pauses sur le trajet me permettent de voir encore des choses intéressantes.
La fin de la Colombie, partie sud, fera l'objet d'une autre nouvelle : elle est presque terminée, j'ai coupé en deux celle que je faisais à cause de sa longueur.